Le recyclage est sans doute l’action la plus efficiente pour diminuer l’empreinte environnementale de l’industrie textile. Cependant, pour avoir un impact manifeste, il est important de penser les différents leviers d’action existants.
Le recyclage peut faire référence à d’innombrables processus distincts. C’est plus particulièrement le cas dans le textile où les déchets industriels sont recyclés et les tissus upcyclés (surcyclés en français) ou downcyclés (décyclés en français). Chacun de ces concepts rend compte de quantités de techniques de fabrication ou de (re)fabrication.
Chaque initiative visant à retravailler les déchets textiles est précieuse, néanmoins, certains axes d’amélioration évidents sont peu mis en avant. En détaillant la chaine d’approvisionnement du textile, on peut observer les différentes étapes clés de création de déchets. Une étude du MIT 2015, reprise par Fashion Revolution, montre qu’environ 15% du tissu fabriqué est perdu en déchets, notamment au moment de la coupe, représentant près de 60 milliards de m2 de tissus jetés chaque année.
La coupe de tissus : un vivier de déchets
Dans la grande majorité des cas, les fabricants de tissus ne sont pas des confectionneurs. Les tissus sont livrés sous forme de rouleaux aux usines de confection (notamment les tissus tissés). Une fois ces tissus reçus, arrive le moment de la coupe. Le confectionneur doit optimiser au mieux le placement des éléments de découpe sur le tissu, de manière à maximiser son utilisation. Aujourd’hui, la plupart des placements se font informatiquement, à l’aide de logiciels spécialisés.
On estime que le taux d’utilisation moyen d’un tissu après la coupe se situe entre 80% et 85%. Ce qui signifie qu’entre 15% et 20% du tissu est inutilisé et traité comme un déchet de production.
La coupe de tissus : comment optimiser ?
Plusieurs solutions co-existent pour traiter cette perte sèche.
Le fil upcyclé
Des solutions « upcyclées » visent par exemple à reconstituer du fil à partir de chutes de tissu. Néanmoins, le fil upcyclé a l’inconvénient d’être moins robuste et nécessite donc toujours d’être combiné à de nouvelles fibres de haute qualité (en moyenne, on utilise 30% de fil recyclé pour 70% de fil « neuf »).
Les solutions downcyclées
Les chutes de tissus sont souvent broyées avant d’être transformées en matériaux d’isolation, rembourrages de matelas, tapis, etc. Le downcycling permet de réutiliser les déchets de l’industrie textile avec toutefois un désavantage, celui de sous-utiliser une ressource noble pour en faire des produits à faible valeur ajoutée.
La solution Azala
Les solutions d’upcycling et de downcycling comportent beaucoup d’avantages mais ne sont pas toutes optimales. Il est possible de développer un processus intermédiaire visant à maximiser l’utilisation des petites chutes de tissus en optimisant la coupe.
Tout d’abord, en se concentrant sur le placement pré-coupe, bien que les logiciels soient de plus en plus performants et que certaines solutions prometteuses permettent de diminuer le taux de déchets, l’utilisation de la majorité des tissus reste sous-optimale dans l’état actuel des choses.
Une solution simple (testée et approuvée) consiste à systématiser l’utilisation maximale des tissus : comment faire ?
Les parties d’un vêtement ne sont pas des pièces géométriques emboitables (ex : manche, col, jambe, etc.), d’où l’impossibilité d’utiliser 100% du tissu en rouleaux. Pourtant, sur les 15% à 20% des tissus non exploités, il est possible de venir placer des formes géométriques assemblables. Par exemple, on peut ajouter des carrés identiques dans les pans de tissus non utilisés. Ainsi, au lieu d’avoir des chutes de tissus irrégulières après la coupe, on se retrouve avec une quantité X de carrés de tissus. C’est une manière simple de réduire significativement le taux de déchets (en fonction de la taille des carrés).
Des carrés pour quoi faire ?
Lorsque nous récupérons nos carrés de tissus identiques, nous avons donc une matière première de même qualité, que nous allons ensuite pouvoir réutiliser – sous forme de patchworks par exemple. Ainsi, nous fabriquons des vêtements patchworkés avec le tissu original. Sans parler du côté esthétique indéniable, on comprend aisément la logique. Certes, ce processus est plus coûteux que la simple utilisation d’un tissu, puisqu’il faut réassembler les carrés de tissus entre eux, mais il est qualitativement identique.
Selon la taille des carrés et le placement initial en coupe, nous pouvons réduire le taux de déchets de 15% à moins de 5% (testé et approuvé). A l’échelle mondiale, on parle de près de 40 milliards de m2 potentiellement économisés.
Pour les 0%-5% de déchets qui demeurent, l’usage en confection est vaste. Sans investissement technologique, il est possible par exemple de recréer un matelassage en micro-chutes broyées.
Que ce soit de manière industrielle ou artisanale, des solutions existent pour recycler 60 milliards de m2 de tissus jetés.
La solution Azala est facilement reproductible et ne nécessite aucun investissement pour les confectionneurs. Cette technique vise à proposer une solution concrète à un point de friction immense, 60 milliards de m2 de déchets, ce sont plusieurs milliards de vêtements jetés avant-même d’avoir été fabriqués.
Une difficulté majeure du recyclage est économique. Il existe de nombreuses techniques et savoir-faire qui permettent de limiter drastiquement la production de déchets mais assez peu de débouchés économiques pour les fabricants. De la même manière qu’un fabricant de tissu n’est pas confectionneur, un confectionneur n’est généralement pas styliste et distributeur. Pour que certaines solutions efficientes voient le jour, l’impulsion doit venir des marques et distributeurs, mais aussi des consommateurs…
Source :
Citation originale : “For example, it is estimated that 400 billion square metres of textiles are produced each year globally and 60 billion square metres (equalling 15% of all textiles produced) end up as cutting floor waste (MIT, 2015).”
Source : Fashion Revolution written evidence to the ‘Sustainability of the fashion industry’ inquiry, U.K. Environmental Audit Committee : Fashion Revolution. (s. d.).
Source première : MIT 2015
Sofiane Bouhali pour Azala