L’industrie du textile occupe une place importante dans l’économie Malgache, notamment au niveau de la balance commerciale du pays. Certes, celle-ci ne s’est pas développée à Madagascar comme dans les pays asiatiques et dans certains pays du Maghreb, pour autant, les entreprises de confection du pays parviennent à conserver une place dans l’économie des fabricants mondiaux.
Il va sans dire que le pays compte très peu de géants de la confection, similaire aux immeubles Bangladeshi où les machines s’étalent sur plusieurs étages. Les usines de confection malgaches sont, pour la plupart, des lieux à taille humaine où heureusement, il n’est pas nécessaire de se doter d’un hélicoptère pour passer d’un bâtiment à l’autre.
Bien que gêné par un parc de confectionneurs restreint et composé d’entreprises de taille moyenne (ce qui empêche parfois l’arrivée de nouveaux donneurs d’ordre dans la zone), le pays a capitalisé sur un savoir-faire de confection différenciant et une montée progressive des considérations sociales et écologiques.
Il est aujourd’hui certain qu’un changement de paradigme est en train de s’opérer dans l’industrie, et il est possible que le développement entravé du textile malgache présage finalement un bel avenir pour la confection locale.
Quelques chiffres clés : David contre Goliath et Goliath
Le chiffre d’affaires de l’industrie textile à Madagascar est d’environ 120 millions d’euros, contre 700 millions d’euros pour le Maroc et plus de 30 milliards d’euros pour le Bangladesh.
À elle seule, l’industrie textile au Bangladesh représente deux fois le PIB de Madagascar. La Chine pèse près de 250 milliards d’euros annuels uniquement à travers son industrie textile.
Un peu d’histoire
L’histoire industrielle du textile à Madagascar s’étend dès le début du 20ème siècle. Sous la colonisation, de nombreuses filatures et unités de tissage sont créées dans le pays avec l’arrivée de nouveaux métiers à tisser européens.
Jusqu’au milieu du 20ème siècle, le tissu industriel malgache connait une période de croissance, mais la seconde guerre mondiale vient perturber le cycle économique du pays. L’industrie textile malgache ayant été conçue pour approvisionner la France, la diminution drastique des importations française porte un coup d’arrêt net à l’expansion de la manufacture locale.
Au sortir de la guerre, l’industrie textile redémarre et commence à diversifier ses exportations en dehors de la France, notamment après la décolonisation (1960). Mais une nouvelle fois, la dynamique du secteur est rapidement cassée par la nouvelle concurrence venue des pays asiatiques (notamment de la Chine) dès le début des années 1980. Les exportations malgaches vers l’Europe déclinent drastiquement et Madagascar ne parvient pas à suivre la cadence des autres pays producteurs.
Malgré l’immense fossé qui sépare Madagascar des grands pays producteurs de textile, l’industrie n’a jamais complètement disparu dans le pays. Grâce aux accord multifibres, de nouvelles usines ont continué de voir le jour dans les années 1990 et au début des années 2000.
À l’heure actuelle, Madagascar compte à peine quelques dizaines d’usines textile exportatrice et la grande majorité des exports sont toujours dirigés vers la France. Le secteur est peu subventionné et la création d’entreprise exportatrice est devenue très difficile. Malgré tout, nombre de grandes enseignes continuent de fabriquer dans la zone, qui malgré un désavantage au niveau de la compétitivité, conserve des savoir-faire forts en matière de confection.
La transition écologique : une opportunité pour l’industrie malgache ?
Le textile durable à Madagascar est entre le mythe et la réalité. Ce qui est évident, c’est que cela constitue une opportunité immense pour l’industrie textile et pour l’économie malgache. Ce qui est certain, c’est que le non-essor de l’industrie textile dans le pays et la prépondérance des petites entreprises familiales a poussé un développement précurseur de l’industrie durable dans le pays, en comparaison avec les autres pays manufacturiers.
Plusieurs facteurs expliquent un développement qui semble aller dans le bon sens. L’identité artisanale forte du pays, à l’instar du travail du raphia ou de la soie sauvage, les nombreux savoir-faire locaux, à l’image de la broderie, ou encore le positionnement relativement haut-de-gamme induit des confectionneurs locaux sont autant de facteurs qui permettent à l’environnement textile de prendre un virage RSE précurseur.
Alors évidemment, le chemin est loin d’être terminé, mais pour autant, le constat existe. En visitant les usines textiles du pays, on trouve des stations d’épuration d’eaux usagées privées dans des entreprises qui ne font que quelques millions d’euros de chiffre d’affaires. L’ensoleillement du pays et les difficultés d’approvisionnement en électricité ont également favorisé le déploiement de panneaux solaires dans les usines. En outre, de nombreuses initiatives à visée sociale voient le jour : pépinières solidaires, centre médicaux (appuyés par la sécurité sociale malgache), lactarium, etc.
Les donneurs d’ordre étrangers ont également favorisé le développement RSE du textile malgache. Une partie significative des marques travaillant avec Madagascar étant des marques françaises, le développement durable a été largement favorisé. On trouve plusieurs usines locales accréditées des principaux labels internationaux (GOTS, ECOCERT, etc).
Au vu de ces caractéristiques, et en dépit des nombreuses difficultés du pays, il est possible que la place de Madagascar dans la grande industrie de l’habillement se renforce. Lorsque l’on sait que le transport final d’un vêtement ne représente que 2 à 4% de son impact écologique, la possibilité de diminuer l’empreinte de la fabrication et les externalités négatives liées à la confection des vêtements doit devenir un point d’ancrage pour le développement futur de l’industrie malgache.
Azala : une nouvelle histoire du textile made in Mada
Azala veut dire « oh là là » en malgache, et bien que cela n’ait aucun rapport avec le propos de cet article, c’est précisé.
Au-delà de sa raison d’être propre, qui est de créer un écosystème vertueux et circulaire dans l’industrie de la mode, Azala a souhaité montrer une preuve de concept du savoir-faire industriel malgache à travers la fabrication de produits entièrement upcyclés.
La preuve de concept a plusieurs visées :
- Démontrer la possibilité de fabriquer un produit sans utiliser de manière neuve
- Proposer un modèle de confection à la frontière de l’industriel et de l’artisanal
- Promouvoir les savoir-faire malgaches
- Concevoir un modèle commercial différent et plus juste : la fabrication représente environ un tiers du coût de fabrication d’un produit
- La fabrication doit permettre d’avoir un impact direct et indirect sur le pays : en travaillant un projet de confection en partenariat avec des associations locales (en cours) et en subventionnant l’écologie locale (à travers des projets de reforestation)
Oh là là... découvrez nos produits upcyclés made in Madagascar
En conclusion, un nouveau paradigme est en train de voir le jour dans l’industrie textile mondiale, pour le meilleur. Les caractéristiques particulières de la zone industrielle malgache en font un endroit propice pour aborder ce changement. Madagascar doit aller encore plus loin dans l’industrialisation du textile durable, en embrassant franchement les nouveaux concepts autour de l’upcycling, du bio, de l’artisanat responsable et de l’économie circulaire.
Sofiane Bouhali pour Azala