L’économie circulaire est souvent évoquée comme étant la solution la plus efficace pour rendre nos industries plus durables. Pourtant, la question du business model est souvent mise de côté. Pour construire une économie plus pérenne, il faut travailler tous les maillons du cycle de vie d’un produit manufacturé.

La première étape d’une économie circulaire se construit en amont de la chaine de valeur (pendant la fabrication et avant la commercialisation), c’est également à ce moment-là que l’impact écologique et social d’un produit est le plus important. Pourtant, en amont de la chaine de valeur, le business model pour les marques est uniquement marketing.

Pourquoi ? Parce qu’il n’existe aucun avantage financier à fabriquer plus durable hormis l’argument « marketing » ou « commercial » qui en appelle à la conscience du consommateur final. Quelques autres leviers peuvent également rentrer en jeu : la législation ou encore l’avant-gardisme des enseignes et des entrepreneurs.

À l’inverse, en aval de la chaine de valeur (de la commercialisation à la fin de vie d’un produit), les business-model économie circulaire friendly sont multiples. De plus en plus d’entreprises proposent des concepts innovants pour allonger la durée de vie de leurs produits et pour permettre de limiter la surproduction à l’échelle globale. C’est précisément sur ce maillon de la chaine de valeur que nous allons nous concentrer !

 

1 – Limiter la surproduction : le modèle vertueux de la pré-commande

Avant pré-commandes, fabrication puis vente. Après pré-commandes, vente puis fabrication.

 Le cycle de production traditionnel implique généralement de fabriquer en amont de la vente. Ce modèle possède un avantage certain pour le consommateur : celui de satisfaire son besoin instantanément, ou à court-terme, lorsqu’il s’agit de ventes en ligne. Le vendeur bénéficie également de son stock, notamment par sa capacité corolaire à offrir l’accès immédiat à son produit.

Cependant, les externalités négatives de ce modèle sont multiples. En effet, au regard des questions écologiques, produire puis vendre implique généralement de surproduire et de sur-solder ensuite. Au niveau des entreprises, ce modèle implique une perte de valeur ajoutée. Cette perte étant compensée par la pérennité de ce business model dans le temps. En d’autres termes, les entreprises vendent plus cher en période normale pour pouvoir baisser les prix en périodes de soldes. Les ventes à prix réduits ne sont pas l’essence du problème, elles ont au moins le mérite d’attirer une clientèle moins aisée. Mais ce modèle incite les entreprises à produire plus et les clients à consommer davantage. Un autre versant du problème, encore plus inquiétant, concerne le volume immense d’invendus détruits, principalement dans l’industrie du luxe…

Finalement, construire un prix « juste » implique inévitablement un changement de système. La pré-commande semble être une solution efficace. Beaucoup d’entreprises, notamment dans le secteur de l’habillement, ont mis ce modèle à l’honneur, à l’instar de REUNI qui propose à ses clients de co-créer ses collections. Introduire une dose de pré-commande permet au commerçant de ne pas avoir à financer ses stocks et solutionne en grande partie le problème des invendus et de leur impact dramatique.

 

2 – Allonger la durée de vie des produits : opter pour la seconde main

Marketplace de seconds choix permet de vendre puis de revendre ses produits.

Une fois le produit vendu, le commerçant perd généralement la main sur la gestion de la fin de vie de son produit. C’est pourtant un vrai problème !

En moyenne, nous portons nos vêtements moins de 10 fois (OXFAM), et ce nombre semble entièrement décorrélé de l’état du produit. Ce qui veut dire qu’un nombre significatif de produits parfaitement utilisables dorment dans nos armoires. Alors que 100 milliards de vêtements sont toujours fabriqués chaque année (ADEME).

La seconde main a certes le vent en poupe, à travers les nombreuses plateformes qui permettent de revendre des objets d’occasion. Cependant, il serait beaucoup plus efficient de rendre ce maillon de la vie d’un produit aux marques. Pourquoi ? D’une part parce que les plateformes incitent à surconsommer, de façon pas toujours eco-friendly en poussant une certaine clientèle à ne porter les vêtements qu’une fois ou deux avant de s’en débarrasser. Et d’autre part, parce que les marques perdent la main sur la gestion du cycle de vie de leurs produits.

Plusieurs marques pionnières ont lancé leur propre marketplace de seconde main, de manière à ce que les clients puissent revendre les produits de la marque dont ils n’ont plus besoin. C’est le cas de Jacadi par exemple, qui offre la possibilité d’acheter du neuf ou de la seconde main sur sa propre plateforme. Ce mécanisme est très efficace pour influer sur l’impact environnemental des produits, tout en ayant un business model évident : celui d’une place de marché. La marque à l’origine du produit peut attester de la véracité du produit, tout en étant la plus capable de vérifier son état d’usage. Mais surtout, cela lui offre la possibilité de construire un modèle pour la fin de vie de ses produits…

 

3 – La fin de vie des produits : quel business model ?

La refabrication permet de construire un nouveau cycle de vente circulaire

Une fois les produits vendus, puis revendus, il arrive un moment où le produit n’est plus en état d’être utilisé. Quelles solutions pour les marques ?

Le downcycling

Pas toujours réalisable, et souvent peu rentable, le downcycling vise à transformer les produits en matières premières pour qu’ils puissent ensuite être utilisés à des fins différentes. Dans l’industrie de la mode, le downcycling consiste par exemple à broyer des vêtements pour servir à fabriquer des matériaux isolants pour la construction. Très souvent, le bénéfice pour les commerçants est minime et l’utilité assez faible puisque la quantité de matériaux recyclés pour l’isolation est excédentaire.

L’upycling

L’upcycling est le processus de recyclage qui permet de recréer des produits de même usage à partir des produits en fin de vie. Dans l’imaginaire collectif, c’est un processus souvent peu rentable pour les grandes enseignes parce que cette méthode est difficilement industrialisable. Or, ce n’est pas toujours le cas.

On a vu apparaitre l’industrie du reconditionné dans l’électronique, et pourtant dans certaines industries, à l’instar du textile, la tâche semble irréalisable. Il est pourtant imaginable de retravailler de manière industrielle des produits en fin de vie comme on le ferait avec des matières premières. La difficulté principale réside dans l’absence de standardisation du produit en fin de vie, à la différence d’un rouleau de tissu. Un processus de transformation mixte (upcycling et downcycling) devrait permettre de palier en partie à cette difficulté. En triant les produits par référence et par « niveau de dégradation » et en économisant une partie du coût d’achat de la matière première, on peut se poser la question de savoir si refabriquer n’est pas plus rentable que de détruire ! Dans tous les cas, du point de vue écologique, le calcul est vite fait.

 

Azala : quel modèle pour une jeune start-up ?

Gilet Azala 100% recyclé

Il est clair que pour une entreprise qui démarre, la question de la pré-commande, de la gestion des seconds choix ou encore de la fin de vie est plus compliquée à appréhender. 

Construire un modèle étape par étape

Pour une néo-entreprise, l’avantage immense est de pouvoir construire toute sa chaine d’approvisionnement en adoptant un modèle nouveau. Mais pour ce qui concerne l’après commercialisation, il est nécessaire d’anticiper les étapes de développement en aval de la chaine de valeur.

En ce qui concerne Azala, le modèle que nous avons choisi est celui que nous avons présenté dans cet article. Favoriser la pré-commande (mi-2023), garder la main sur le produit en proposant la revente de seconds choix (fin 2023) et trouver un modèle économique pour la fin de vie des produits (on y réfléchit encore).

 

Sofiane Bouhali pour Azala

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