Résumé :

  1. Contexte écologique et souveraineté européenne : un constat commun concernant la problématique des chaînes d'approvisionnement
  2. Une meilleure transparence des chaînes d’approvisionnement implique l’essor de nouvelles compétences 
  3. Traçabilité et néo-économie : exemple de l’industrie textile
  4. ACV et réglementations européennes dans le cadre de la transformation des chaînes d’approvisionnement
  5. Les nouveaux métiers de la transition : focus sur les métiers de la supply chain  et des achats responsables
  6. La formation des étudiants : un enjeu de société

 

Alors que l’impératif pour plus de durabilité et de bonnes pratiques écologiques grandit, le besoin de transformation des chaînes d'approvisionnement des entreprises devient de plus en plus pressant. Ce changement de paradigme nécessaire implique le développement de nouveaux métiers et de nouvelles compétences axées sur la durabilité. Dans les années à venir, de nouveaux pôles devraient voir le jour dans les entreprises, à l’instar de la stratégie en matière de durabilité, de l’éco-conception, de la logistique verte ou encore de l’approvisionnement à impact. Un tas de nouveaux métiers qui n’existent pas encore et qui seront pourtant bientôt incontournables dans les entreprises ! L’enjeu est clair : pour anticiper le monde de demain, il est urgent d’analyser ces nouveaux besoins pour préparer les futurs acteurs de l’économie à évoluer dans ce monde nouveau !

 

Contexte écologique et souveraineté européenne : un constat commun concernant la problématique des chaînes d’approvisionnement

Problèmes dans la chaine d'approvisionnement. Image Azala.

Si la crise du Covid-19 a été un révélateur des problématiques liées aux chaînes d’approvisionnement en flux tendus, c’est bien le contexte écologique global qui devrait imposer une transformation profonde de nos cycles économiques. La problématique de souveraineté économique et l’aléa écologique coïncident vers un constat commun. Les décisions prises outre-manche (ex : « Build America, Buy America ») nous forcent à réfléchir à de nouveaux moyens pour assurer notre capacité à préserver nos économies européennes, tout en favorisant sa transition vers un modèle durable. Qu’il s’agisse des métaux rares, du sourcing biologique ou équitable, la méthode d’approvisionnement va durablement évoluer et se complexifier . Si le signal prix était jusqu’alors tout puissant, les entreprises devront prendre en compte une multitude de nouveaux critères pour faire face aux enjeux à venir : traçabilité garantie, disponibilité assurée, bilan carbone, etc. Au-delà de ces nouvelles « cases à cocher », il paraît évident que les contraintes humaines, techniques et technologiques soient importantes. Une « vraie » traçabilité de nos chaînes d’approvisionnement implique de connaître l’ensemble de sa chaîne de valeur : du fournisseur X-5 au client final ; dans un monde où il sera sans-doute moins facile de se déplacer aux 4 coins du globe. 

 

Une meilleure transparence des chaînes d’approvisionnement implique l’essor de nouvelles compétences 

Ce besoin de transparence, également plébiscité par les consommateurs européens, est en train de créer un nouveau pan de l’économie. On évoque souvent la RSE (responsabilité sociale des entreprises), et bien que cette tendance soit relativement récente, l’économie entière est en train de s’adapter à cette nouvelle contrainte. Qu’il s’agisse d’employés in-house ou de consultants spécialisés, le nombre de personnes travaillant directement sur les sujets RSE est en constante augmentation . Dans l’industrie, le sujet entier de l’approvisionnement pourrait être intégré dans un pôle RSE plus global, au vu de son importance dans le bilan écologique global des entreprises. La quasi-totalité des sujets d’approvisionnements ou d’importations relèvent de critères directement applicables dans le cadre d’une stratégie RSE : bien-être des employés (fournisseurs), éco-conception, traçabilité, etc. Par ailleurs, pour que les objectifs en termes de RSE soient atteints, le besoin en formation sera immense. Si on cherche à s’éloigner au maximum des pratiques dites de green-washing , en construisant une économie plus rationnelle et responsable, chaque employé devra être en mesure d’évaluer et de comprendre les différents impacts écologiques liés à son industrie. Bien que cela nous semble évident à tous, comme l’apprentissage d’une langue étrangère, l’écologie a beaucoup de faux amis. Il est parfois moins écologique de rouler en électrique ou d’acheter du made in Europe, car il faut analyser un ensemble de critères et de sous-critères vastes pour appréhender l’impact global d’un produit manufacturé. Et cette grande complexité devra être apprise et comprise par les décideurs et les acteurs de la néo-économie.

 

Traçabilité et néo-économie : exemple de l’industrie textile

L’industrie du textile est un bon révélateur de la difficulté de transformer nos industries. Changer de paradigme, c’est par exemple ce qu’essaient de faire les nouvelles marques de mode spécialisées dans l’upcycling (fabrication de vêtements à partir de matières existantes). L’upcycling a l’immense avantage de recréer un cycle de fabrication sans produire de matières premières qui sont largement le premier poste au bilan carbone de l’industrie (si on considère la matière première depuis la culture jusqu’à la transformation et au transport). Néanmoins, dans une optique de transformation, qu’elle soit à visée souveraine ou de RSE, l’utilisation de matière existante implique une traçabilité encore plus difficile ; pourtant cette traçabilité reste nécessaire : dans le but de pouvoir correctement optimiser la réutilisation de matière, ou de pouvoir s’assurer de la provenance et de la composition. 

Azala : un exemple concret

Petites chutes de tissus en Liberty récupérées dans les usines de Madagascar. Les plus belles chutes sont découpées en carrés pour fabriquer notre patchwork, les plus petites chutes sont broyées pour fabriquer notre matelassage 100% recyclé.

Prenons l’exemple d’ Azala, une marque d’upcycling fabricants des vêtements matelassés. Chaque vêtement fabriqué nécessite une quantité de petites chutes textiles (qui seront broyées) pour fabriquer le matelassage et d’autres qui seront reconstituées sous la forme d’un tissu. La contrainte première est de connaître la composition précise des matières utilisées, afin de pouvoir l’afficher sur la nomenclature du produit. La contrainte plus large est de connaitre l’ensemble des fournisseurs originaux (fabricants) des déchets textiles utilisés, pour des raisons de sécurité, de qualité et pour des raisons éthiques : bien qu’ils s’agissent de chutes non utilisées, il est indispensable de savoir que le tissu originel n’a pas servi à financer un réseau d’esclavage. 

Toutes ces données complexes nécessitent un travail de documentation (et parfois d’investigation) important. Ce sont des ressources humaines et intellectuelles supplémentaires en comparaison avec une industrie classique. 

 

ACV et réglementations européennes dans le cadre de la transformation des chaînes d’approvisionnement

L’Union européenne (UE) a mis en œuvre plusieurs mesures visant à favoriser la transformation des chaînes d’approvisionnement, et un aspect essentiel de cette législation est l'utilisation de l'analyse du cycle de vie (ACV), qui est une méthode d'évaluation des impacts environnementaux d'un produit, d'un processus ou d'un service sur l'ensemble de son cycle de vie, de l'extraction des matières premières à l'élimination. 

L’ACV est employé dans plusieurs directives européennes, à l’instar de la directive sur l’écoconception , qui établit des exigences minimales de performance environnementale pour les produits liés à l'énergie. La directive exige des fabricants qu'ils prennent en compte les impacts environnementaux de leurs produits tout au long de leur cycle de vie, y compris l'utilisation des matières premières, la consommation d'énergie et l'élimination. Les entreprises sont ainsi tenues de réaliser une ACV afin d'identifier et d'évaluer les impacts environnementaux de leurs produits et de les concevoir de manière à minimiser ces impacts. De nombreuses autres directives, à l’image de la directive sur l’économie circulaire , intègrent des contraintes progressives visant à rendre les modèles économiques plus en phase avec les enjeux de transition écologique.

Toutes ces différentes directives européennes intégrant l’ACV ou d’autres régulations connexes vont astreindre les entreprises à transformer leurs méthodes d’approvisionnement de l’intérieur. Logiquement, cette transformation devra s’appuyer sur de nouvelles compétences, dont certaines ne sont encore qu’à leurs balbutiements…

  

Les nouveaux métiers de la transition : focus sur les métiers de la supply chain et des achats responsables

La nouvelle contrainte positive de l'ACV est directement corrélé au besoin de former des " Acheteurs responsables " ( sustainable procurement ) spécialisés dans la mise en place de nouvelles méthodes de sourcing  auprès des fournisseurs. Au-delà des critères traditionnels d'achats (prix, qualité, disponibilité, etc.), de nouvelles notions environnementales sont ainsi introduites. De manière à minimiser le risque de  green-washing , les critères environnementaux communs doivent être définis. On retrouve par exemple des critères allant de l'empreinte écologique liée à la matière première ou à l'énergie de production. En toute logique, ce sont tous les critères permettant de diminuer l'empreinte écologique finale d'un produit manufacturé qui doivent être explicités et considérés (cf. label Lucie ). 

L'élément qui concentre l'attention est celui d'empreinte énergétique, puisqu'une majorité des approvisionnements extra-européen reposent encore sur une production à base d'énergie fossile. 

Le métier d'acheteur responsable prend ainsi toute son importance et les profils capables de répondre à ces enjeux sont de plus en plus recherchés. On observe de plus en plus de grands groupes indexer le versement de bonus ou de stock options sur la trajectoire carbone. De ce fait, la demande des entreprises pour ces profils rares est en constante augmentation, en témoigne la création d'établissement supé rieur spécialisés sur les nouveaux métiers de la transition écologique

 

D'autres métiers viennent compléter celui d'acheteur responsable, à l'instar des consultants  supply chain spécialisés sur les chaines d'approvisionnements durables. Ce néo-spécialiste vient aider les entreprises à transformer leur chaine d'approvisionnement en favorisant la durabilité et en trouvant des méthodes permettant de réduire l'empreinte écologique et social des entreprises. Les moyens d'actions sont larges : audit de durabilité, réduction des déchets, analyse du mix-énergétique, recyclage ou encore la mise en place d'un "marketing durable" en incitant les consommateurs à favoriser les produits issus de chaines d'approvisionnement "propres". 

L'exemple d' Ecoalf , entreprise de vêtements espagnole illustre parfaitement l'importance de ces nouveaux métiers. Grâce à l'optimisation et au rétrécissement de sa chaîne d'approvisionnement, Ecoalf a bâtit un cycle économique basé sur le recyclage et l'utilisation d'énergies vertes. L'entreprise a également mis en place des méthodes de gestion de la durabilité afin de surveiller son empreinte environnemental à chaque étape de sa chaine de valeur. 

 

La formation des étudiants : un enjeu de société

Apprendre le développement durable. Azala x Klima School.

La formation des étudiants aux questions écologiques est essentielle pour transformer les modèles économiques des entreprises. En fournissant aux futurs dirigeants les outils et les méthodes nécessaires pour comprendre l'impact environnemental de leurs activités, nous les aidons à créer des produits plus durables et moins obsolètes, à rendre les opérations commerciales moins énergivores, à décarboner les systèmes d'approvisionnement, de production et de distribution ainsi qu'à raccourcir les chaînes de valeur, voire à mesurer l'amélioration de différents critères environnementaux.

L'intégration des questions environnementales dans les activités économiques est une nécessité pressante, car elle est primoridale pour assurer un avenir durable aux générations futures. Selon le rapport " World Energy Outlook " de l'Agence internationale de l'énergie, l'accélération de la transition énergétique est nécessaire pour atteindre les objectifs de l'accord de Paris sur le climat, qui vise une réduction de 55 à 60 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre d'ici à 2030. Pour atteindre ces chiffres, l'utilisation d'une énergie décarbonée est nécessaire, ainsi que des actions visant à réduire les déchets dans les chaînes de production. Par conséquent, les étudiants d'aujourd'hui, une fois formés sur ces questions, seront à l'avant-garde de ce défi énergétique et post-mondialisation.

Klima School : former les étudiants aux nouveaux métiers de la transition

Klima School  offre un enseignement complet sur les questions écologiques en intégrant dans son programme des formations sur l'approvisionnement responsable et la gestion durable de la chaîne d'approvisionnement. Grâce à des études de cas réels, les étudiants découvrent les moyens pratiques par lesquels les entreprises peuvent réduire leur empreinte carbone et leur consommation d'énergie.

Parmi les exemples d'études de cas, on peut citer l'examen d'entreprises européennes qui ont amélioré la traçabilité de la chaîne d'approvisionnement grâce à l'utilisation de logiciels permettant de contrôler l'origine et l'intensité énergétique des matériaux. Les étudiants peuvent également étudier comment les entreprises peuvent intégrer des sources d'énergie renouvelables, telles que des panneaux solaires ou des systèmes de récupération de chaleur, dans leurs activités. En outre, ils exploreront les différentes stratégies employées pour créer des chaînes d'approvisionnement plus durables et à faible émission de carbone.

Les diplômés de l'école KLIMA seront dotés d'une compréhension approfondie des réglementations et des initiatives en matière de durabilité, ainsi que des meilleures pratiques pour la mise en œuvre de stratégies commerciales durables.

En résumé, la transformation des chaînes d'approvisionnement est devenue une question critique pour l'environnement et la souveraineté européenne. Les tendances actuelles montrent que la transparence et la traçabilité des chaînes d'approvisionnement deviennent de plus en plus importantes pour les consommateurs, les entreprises et les régulateurs. L'industrie textile en est un exemple concret, avec l'essor de nouvelles carrières liées à la transparence et à la traçabilité des produits.

De la même manière, les réglementations européennes relatives au cycle de vie des produits et à l'analyse coûts-avantages encouragent les entreprises à adopter des modèles plus durables et à faible émission de carbone. Ce faisant, elles ouvrent la voie à de nouvelles carrières liées à la transition, notamment dans les domaines de la chaîne d'approvisionnement et des achats.

Enfin, il est important de noter que l'éducation des étudiants aux questions environnementales est un enjeu sociétal primordial. En encourageant les futurs dirigeants à comprendre les leviers de la chaîne d'approvisionnement, les achats plus durables, et à développer les compétences nécessaires pour aborder ces questions, nous pourrons renforcer notre capacité à transformer les modèles d'entreprise et accélérer la transition vers une économie plus décarbonée, plus économe en ressources et plus durable.

 

Sofiane Bouhali pour Azala et Joseph Hermet pour Klima School  

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